Notre système postural s’appuie simultanément sur deux fenêtres visuelles distinctes : la fovéa (≤ 2 ° de champ) et le champ périphérique (jusqu’à 180 °).
Elles n’apportent ni la même information, ni la même robustesse face aux perturbations.
Critère | Vision centrale (fovéale) | Vision périphérique |
Rôle principal | Ancrage de précision : détecte micro-dérives du corps par rapport à une cible fixe. | Lecture du flux optique : renseigne vitesse et direction du décor. |
Capteurs dominants | Cônes → haute résolution, faible sensibilité mouvement. | Bâtonnets → faible résolution, forte sensibilité mouvement. |
Effet sur le sway | Cible fixe à 1 m : –40 % d’oscillation du centre de pression chez adulte sain ; –60 % chez sujet vestibulo-déficient (Rohellec 2004) | Motif périphérique tournant à 30 °/s : balancement du tronc synchronisé au décor (Schubert & Minor 2014) |
Perturbation typique | Flouter ou masquer la cible ↑ sway surtout en medio-latéral. | Lunettes tunnel (périphérie supprimée) ↑ sway antéro-postérieur de 75 % chez seniors. |
Hiérarchie | Prioritaire lorsque la scène est stable. | Devient dominante quand le décor se déplace ou en locomotion. |
Ancrage fovéal : maintenir la verticalité fine
Fixer une croix à 1 m déclenche un contrôle oculomoteur–cervelé qui corrige toute dérive sur la rétine ; l’ajustement postural suit en quelques dizaines de millisecondes.
Sans ce « clou visuel », le système bascule vers vestibule + proprioception, moins précis pour les micro-corrections.
Radar périphérique : stabiliser face au mouvement
Le flux optique latéral indique au cerveau si le corps translade ou penche.
Dans un métro roulant, ce signal prédit le tangage du wagon ; la posture se synchronise pour maintenir la tête stable dans l’espace.
Si ce flux est incohérent (VR mal calibrée par exemple), la boucle sensori-motrice se désorganise : nausée, sway excessif, voire chute.
Interaction dynamique
- Décor fixe : la fovéa domine ; la périphérie sert de “veille”.
- Décor mouvant : périphérie ↑ ; la fovéa maintient un repère mais n’empêche pas le balancement si le flux latéral est violent.
- Privation visuelle : le système repondère vers vestibule et proprioception ; la variabilité grimpe, la co-contraction musculaire aussi (Purves 2019) .
Applications pratiques
- Tests cliniques : Romberg sur cible (vision centrale) ; optocinétique périphérique pour dépister dépendance visuelle.
- Entraînement : micro-fixations pour tireur à l’arc ; drills à flux optique latéral pour footballeur ou skieur afin de renforcer la robustesse périphérique.
En bref, la vision centrale pique le corps sur un repère précis, tandis que la vision périphérique agit comme un gyroscope visuel. Leur complémentarité permet de tenir debout et de s’adapter à un environnement en mouvement.
Références
Rohellec J-L. (2004). Vision et sport : performance, expertise et sport de haut niveau. INSEP.
Schubert M. C., & Minor L. B. (2014). Optokinetic stimulation and postural control. In Vestibular Rehabilitation (4ᵉ éd.). F.A. Davis.
Purves D., et al. (2019). Neuroscience (6ᵉ éd.). Oxford University Press.