La cinétose (« motion sickness ») survient lorsqu’un conflit sensoriel oppose le message visuel et le message vestibulaire : l’œil voit un déplacement que les canaux semi-circulaires ne confirment pas, ou inversement.
La largeur du champ visuel, c’est-à-dire la portion de scène qui stimule la rétine périphérique, module directement l’intensité de ce conflit, donc la probabilité de nausées, sueurs et vertiges.
Champ étroit : le paradoxe des casques VR
Les casques de réalité virtuelle classiques n’offrent qu’un champ de 30 à 60 ° ; la vision périphérique, spécialisée dans la détection de vitesse, est alors privée de flux optique pendant que la tête bouge.
Ce « trou sensoriel » crée un déphasage entre accélération vestibulaire réelle et absence de défilement visuel, favorisant la cybersickness ; maux de tête, nausées, vertiges .
Le problème s’aggrave si l’affichage tarde : la scène glisse sur la rétine alors que le vestibule a déjà enregistré la fin du mouvement.
Champ large : immersion plus stable
Les systèmes à large Field-of-View (180 × 95 °), tels que les dispositifs CAVE ou BNAVE, laissent la périphérie capter un flux optique cohérent avec les accélérations vestibulaires.
Chez des sujets sains, ces configurations réduisent significativement l’incidence et la sévérité du mal du simulateur par rapport aux HMD étroits .
Le cerveau y trouve des signaux visuels latéraux compatibles avec ce que ressent l’oreille interne ; le conflit sensori-moteur se résorbe.
Trop de périphérie mouvante : conflit inversé
À l’inverse, projeter un décor périphérique tournant autour d’un sujet immobile induit l’illusion de déplacement ; le cerveau croit bouger, tandis que le vestibule reste silencieux.
Cette sur-stimulation visuelle provoque nausées, sueurs froides et désorientation après quelques minutes .
Le même mécanisme explique la cinétose en voiture : installé à l’arrière, on voit surtout le défilement latéral rapide (fort flux périphérique) sans percevoir l’accélération réelle de la route.
Stratégies de prévention
- VR : élargir le FOV ou afficher un cockpit fixe réduit le conflit ; abaisser la latence d’affichage est crucial .
- Transports : regarder la route (réintroduire un flux central cohérent) ou limiter la vision périphérique (demi-fermeture des paupières) atténue la cinétose.
- Réhabilitation vestibulaire : doser progressivement l’ampleur et la vitesse du flux périphérique (optocinétique) permet d’habituer les patients sensibles aux environnements visuellement riches .
En résumé, plus le champ visuel périphérique reçoit un flux optique incohérent avec l’information vestibulaire, plus la cinétose est probable ; trop peu de périphérie (casque étroit) ou trop de périphérie artificiellement mouvante (stimulus optocinétique rapide) engendrent chacun leur propre conflit.
Ajuster l’angle de vue et la cohérence du décor est donc un levier essentiel pour prévenir ou traiter le mal des transports et du virtuel.
Références
Herdman S. J. & Clendaniel R. A. (éds). Vestibular Rehabilitation — 4ᵉ édition. F.A. Davis, 2014.
- Chapitre 28 : « The Role of Emerging Technologies in Vestibular Rehabilitation » : sections Wide Field-of-View systems (BNAVE) et Head-Mounted Displays and cybersickness
- Chapitre 6 : « Postural Abnormalities in Vestibular Disorders » : paragraphe Virtual Reality Environments
Leigh R. J. & Zee D. S. The Neurology of Eye Movements — 3ᵉ édition. Oxford University Press, 2015.
- Section « Optokinetic Stimulation and Circularvection »