Comment la vision influence-t-elle l’équilibre… et le mouvement ?

Sommaire

Nous nous tenons droits parce que notre cerveau lit en permanence deux « flux » visuels distincts : la vision centrale (fovéale) et la vision périphérique

L’une agit comme un clou ; l’autre, comme un radar. En tandem, elles stabilisent la posture et calibrent la motricité.

Vision centrale : l’ancrage de précision

Dans la fovéa (≈ 2 °), des cônes à haute résolution détectent des micro-variations de perspective. 

Fixer un point immobile réduit aussitôt l’oscillation du centre de pression (–40 % chez l’adulte sain ; –60 % si les vestibules sont déficients) . 

Toute dérive de ce point sur la rétine signale un déséquilibre ; la boucle sensori-motrice déclenche alors un ajustement musculaire pour « recoller » l’image au centre. 

Lors d’un tir précis ou d’une prise d’appuis avant un saut, cette ancre fovéale sert également de repère spatial pour programmer la trajectoire.

Vision périphérique : la lecture de vitesse

Au-delà de la fovéa, les bâtonnets codent surtout le flux optique. Si le décor latéral défile vers la droite, le cerveau conclut que le corps penche ou se déplace vers la gauche et déclenche une correction opposée. 

Un motif périphérique tournant à 30 °/s fait osciller le tronc au même rythme, preuve que la périphérie synchronise la posture sur la scène visuelle . 

En course, agrandir artificiellement ce flux (projecteurs latéraux) pousse l’athlète à raccourcir ses foulées : il « croit » aller plus vite.

Couplage œil-tête : garder la scène stable en mouvement

Pour tourner la tête sans voir flou, le réflexe vestibulo-oculaire (RVO) contre-fait le mouvement oculaire en 10 ms. 

Un gain RVO insuffisant (< 0,7) entraîne vision brouillée, marche ralentie et démarche élargie . 

La stabilité du regard devient alors la condition sine qua non d’une posture sûre et d’un geste précis.

Hiérarchie et repondération sensorielle

En environnement stable, le système privilégie la cible centrale ; fermer les yeux bascule la hiérarchie vers vestibule + proprioception.


En décor mouvant (tramway, réalité virtuelle), la périphérie domine ; si le flux est incohérent, le corps se désorganise malgré une fovéa nette. 

Cette flexibilité explique pourquoi les sujets âgés, moins sensibles en périphérie, oscillent davantage dans un couloir bondé que devant un mur fixe.

Entraîner la vision pour mieux tenir… et mieux bouger

Des exercices de suivi périphérique (8 min, 3 fois/sem., 4 sem.) réduisent la surface d’oscillation de 28 % ET diminuent de 15 % l’erreur latérale en dribble chez des basketteurs. 

À l’inverse, brouiller la vision (stroboscopie, lunettes tunnel) est un moyen sûr de tester la robustesse posturale et la capacité à maintenir un geste sous stress sensoriel.

En résumé, la vision centrale fixe la scène, la périphérie estime la vitesse ; ensemble, elles alimentent la boucle sensori-motrice pour garder l’équilibre et guider la motricité dynamique. 

Les entraîner, c’est consolider le socle postural et affûter la performance gestuelle.


Références

Rohellec J-L. (2004). Vision et sport : performance, expertise et sport de haut niveau. INSEP.
Schubert M. C., & Minor L. B. (2014). Optokinetic stimulation and postural control. In Vestibular Rehabilitation (4ᵉ éd.). F.A. Davis.
Schubert M. C., & Minor L. B. (2014). VOR gain deficits and functional mobility. Ibid.
Purves D., et al. (2019). Neuroscience (6ᵉ éd.). Oxford University Press.

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