Le système vestibulaire n’est pas seulement un gyroscope qui stabilise le regard ; il pilote aussi le tonus antigravitaire des jambes et du tronc.
Cette double action tient à la géométrie même de ses voies nerveuses : les capteurs de mouvement de la tête se connectent directement aux motoneurones posturaux par des faisceaux ultrarapides.
Des capteurs de gravité branchés sur la moelle
Les otolithes (utricule / saccule) codent l’inclinaison par rapport à la verticale.
Leurs afférences excitent les noyaux vestibulaires latéraux, qui projettent vers la moelle via le faisceau vestibulo-spinal latéral.
Ce tractus descend sans relais jusqu’aux motoneurones α des extenseurs, doublant ainsi la boucle médullaire classique : une inclinaison brusque du corps → décharge otolithique → contraction quasi réflexe des muscles posturaux opposés (Purves 2019) .
Synergie avec les canaux semi-circulaires
Quand la tête tourne, les canaux envoient un signal opposé droite / gauche ; le noyau vestibulaire médian module alors le faisceau vestibulo-spinal médian, qui innerve les motoneurones cervicaux.
Résultat : un réflexe vestibulo-colique rapide maintient la tête alignée avec le tronc, créant une base stable pour le contrôle du regard (Schubert & Minor 2014, chap. 2) .
Réglage tonique via la formation réticulée
Les noyaux vestibulaires envoient aussi des collatérales à la formation réticulée ; celle-ci agit comme un « potentiomètre »
stimulation pontique → tonus extenseur ↑ ; stimulation bulbaire → tonus ↓ (Richard & Orsal 2007) .
Cette modulation fine permet d’ajuster la rigidité posturale selon la tâche : marche souple sur sol régulier, verrouillage tonique lors d’un saut.
Fonction antigravitaire permanente
Au repos, le vestibule maintient un niveau de fond sur les extenseurs ; chez l’animal délabyrinthisé, la posture s’effondre malgré une motricité corticale intacte, prouvant que la poussée vestibulo-spinale est indispensable pour lutter en continu contre la gravité (Purves 2019) .
Conséquences cliniques
Une hypofonction bilatérale abaisse ce tonus : marche élargie, tendance à chuter en arrière.
En rééducation, les exercices de translation tête-corps ou les stimulations opto-cinétiques augmentent la décharge vestibulaire et font chuter la surface d’oscillation posturale de près de 50 % en six semaines (Schubert & Minor 2014, chap. 6) .
En bref, le vestibule agit sur les muscles posturaux parce qu’il délivre en temps réel la seule information absolue sur la verticale ; ses voies vestibulo-spinaires forment le circuit antigravitaire primordial, tandis que la formation réticulée en règle la « force ».
Sans ce couplage œil-oreille-muscle, ni équilibre stable ni geste précis ne seraient possibles.