Que se passe-t-il en cas de fatigue musculaire ?

Sommaire

Après un entraînement intense ou une tâche statique prolongée, le muscle n’est pas seul à faiblir : la boucle sensori-motrice entière se reconfigure. 

La fatigue touche à la fois la fibre contractile (périphérique) et la commande nerveuse (centrale), altérant la proprioception, les réflexes et la coordination.

Diminution de la sensibilité des fuseaux

Les motoneurones γ, qui « retendent » les fuseaux neuromusculaires pendant la contraction, voient leur décharge chuter ; la longueur intrafusale n’est plus maintenue. 

Résultat : les afférences Ia codent l’étirement avec 20 % de retard et une amplitude moindre, retardant le réflexe myotatique (Enoka 2008) .

Inhibition Ib précoce

La tension active baisse dans les fibres, mais les organes tendineux de Golgi deviennent plus sensibles : leur rétro-inhibition Ib s’enclenche plus tôt, limitant encore la force. 

Cela protège le tendon, mais freine la production de puissance en phase concentrique (Proske & Gandevia 2012) .

Stratégie posturale plus raide

Pour compenser le feed-back affaibli, le système augmente la co-contraction autour de la cheville et du genou ; la dépense énergétique grimpe (~10-15 % en station debout). 

Sur plate-forme de force, le sway total monte de 30 %, avec des oscillations plus lentes, signe d’un contrôle « verrouillé » plutôt que réactif (Riemann & Lephart 2002) .

Retard des ajustements posturaux anticipés

En enchainant des sauts, la fatigue retarde les APA de ≈ 25 ms ; l’amplitude de l’extension hanche-genou diminue et le pic d’accélération au sol augmente, exposant les articulations à un stress mécanique plus élevé (Enoka 2008) .

Fatigue ecentrale et perception inexacte de l’effort

La baisse de décharge Ia + Ib altère la copie efférente : le cervelet surestime la force produite. 

Chez des sujets fatigués, on observe une sous-correction systématique en tâche de pointage : l’erreur terminale croît de ~35 % par rapport à l’état frais (Purves 2019) .

Conséquences fonctionnelles

  • Sport : précision et temps de réaction chutent ; le risque d’entorse ou de rupture musculaire augmente en fin de match.
  • Posture quotidienne : chez les seniors, la fatigue des extenseurs de cheville double l’incidence de balancements incontrôlés, premier facteur de chute.

En résumé, la fatigue musculaire dégrade le feed-back proprioceptif, retarde les réflexes, force le corps à se raidir et perturbe la perception de l’effort. 

Reposer ou réactiver (vibrations, exercices légers) les capteurs avant de reprendre une tâche motrice est crucial pour préserver stabilité et performance.


Références

  • Enoka, R. M. (2008). Neuromechanics of Human Movement (4ᵉ éd.). Human Kinetics.
  • Proske, U., & Gandevia, S. C. (2012). The proprioceptive senses: roles in body position, movement and muscle force. Physiol Rev, 92, 1651-1697.
  • Purves, D., et al. (2019). Neuroscience (6ᵉ éd.). Oxford UP.
  • Riemann, B. L., & Lephart, S. M. (2002). The sensorimotor system: physiologic basis of functional joint stability. J Athletic Training, 37, 71-79.

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