Comment la proprioception influence-t-elle les ajustements moteurs ?

Sommaire

La proprioception alimente le cerveau en informations continues sur la longueur des muscles, la tension des tendons et l’angle des articulations. 

Cette pluie de données, captée par les fuseaux neuromusculaires, les organes tendineux de Golgi et les récepteurs articulaires, pilote deux familles de réglages : les ajustements posturaux anticipés (feed-forward) et les corrections réflexes (feedback).

Construire le plan moteur (feed-forward)

Avant un geste rapide, lancer, sauter, changer brutalement de direction, le système nerveux central pré-active les synergies musculaires en fonction de la position perçue des segments. 

Plus le schéma corporel est précis, plus les ajustements posturaux anticipés (APA) sont courts et efficaces : un délai APA réduit de 25 ms diminue de 15 % la charge articulaire à la réception d’un saut (Enoka 2008) .

Détecter l’erreur dès les premières millisecondes

Durant l’action, les fuseaux Ia transmettent la vitesse d’étirement ; la réponse réflexe spinal arrive en ≈ 40 ms pour corriger un dépassement de trajectoire. 

De son côté, le Golgi Ib module la force active : si la tension menace le tendon, l’inhibition autogène freine la contraction (Proske & Gandevia 2012) . 

Cette boucle rapide garantit qu’on ne déchire ni tendon ni ligament lors d’un freinage soudain.

Ajuster la commande supraspinale (feedback sensoriel)

Les afférences proprioceptives rejoignent le cervelet, qui compare la commande motrice prévue à la position réelle ; l’erreur est renvoyée au cortex moteur en 80–120 ms pour ajuster l’effort sur la foulée suivante ou corriger une trajectoire de main (Purves 2019) . 

Dans une tâche de pointage, supprimer la proprioception (anesthésie numérique) augmente de 30 % la variabilité terminale du geste.

Façonner l’apprentissage moteur

Répéter un mouvement renforce les connexions entre afférences proprioceptives et interneurones spinaux ; la sensibilité des fuseaux s’affine, raccourcissant la latence corrective. 

Un entraînement plyométrique de six semaines améliore le gain Ia et réduit la dérive post-impact chez les volleyeurs (Riemann & Lephart 2002) .

Conséquences d’un déficit

Une neuropathie plantaire retarde la détection d’instabilité ; les muscles réagissent tardivement (co-contraction défensive), limitant la propulsion et doublant le risque d’entorse. 

Chez les patients LCA, l’absence de signal ligamentaire altère l’APA fessier ; la hanche compense, créant un surcoût énergétique et une asymétrie persistante.

En résumé, la proprioception sert de GPS interne : elle prépare l’action, détecte l’erreur en temps réel, ajuste la commande supraspinale et sculpte l’apprentissage moteur. 

Sans ce trafic afférent, l’équilibre se dérègle, le geste perd sa précision et la protection articulaire s’effondre.


Références

  • Enoka, R. M. (2008). Neuromechanics of Human Movement (4ᵉ éd.). Human Kinetics.
  • Proske, U., & Gandevia, S. C. (2012). The proprioceptive senses: roles in body position, movement and muscle force. Physiol Rev, 92, 1651-1697.
  • Purves, D., et al. (2019). Neuroscience (6ᵉ éd.), chap. 9. Oxford UP.
  • Riemann, B. L., & Lephart, S. M. (2002). The sensorimotor system: physiologic basis of functional joint stability. J Athletic Training, 37, 71-79.

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